Street art et décoration classique
Marier le street art à une décoration classique, voire à l'art contemporain, c'est possible, et c'est même très beau. Exemple en photos avec les customs d'Ozis.
Ozis représente l'archétype du street artist actuel : il possède la culture de la rue (il graffe les murs de Rouen depuis vingt ans !), la technique artistique (il a suivi l'enseignement des Beaux-Arts) et le besoin d'exprimer sa rage comme son désir de créer sur tous les supports (toiles, jouets, objets divers). Dans son atelier où s'entremêlent jouets, bombes, toiles et bouts de tout, un joyeux foutoir coloré domine, au point qu'on se demande si cet atelier n'est pas l'œuvre principale de l'artiste. Mais la crainte, pour l'amateur de beautés classiques ou contemporaines invité dans l'antre du jeune maître, et non encore initié à l'art urbain, c'est… "ça ne va jamais aller chez moi !" Cela me rappelle les réflexions sur les colonnes de Buren au Palais Royal et sur la Pyramide du Louvre.
Je fais partie de ceux qui remarquent plus l'architecture classique lorsqu'elle est magnifiée par des œuvres contemporaines, comme si mon regard ne pouvait plus faire l'économie d'un arrêt sur image. Or, c'est à partir de cette image que la suite se joue : focus, analyse de l'esprit, visualisation globale, mise au point sur les détails de l'architecture, puis de l'œuvre et, à nouveau, de l'architecture. Ce mélange favorise un "ping-pong" intellectuel et personnel nourrissant. Oui, l'art d'Ozis nourrit ! Il invite à regarder autrement les arts premiers qu'il côtoie ; il initie le dialogue avec l'art contemporain. À la vue de son Darkozis noir et blanc au milieu des sculptures et tableaux, je me dis que ces customs seront eux aussi des classiques dans quelques années. Pour l'instant, ce sont des œuvres d'art uniques, témoignages de notre époque chamboulée, déstructurée et récupérée. En cela, le travail d'Ozis constitue un remarquable repère contemporain puisqu'il détourne les objets de notre quotidien, les jouets de notre enfance ou les collectors de Marvel en de simple supports d'expression artistique.
Les symboles – qu'on dit aujourd'hui "cultes" – ne lui font pas peur : Combi, guerriers de "La Guerre des Étoiles", auto-tamponneuses, Mobylette(s), tout ce qui a dominé notre vie socio-culturelle passe entre ses mains et je ne peux m'empêcher d'opérer un rapprochement avec César. L'artiste de la compression a fait de nos objets des œuvres qu'on aurait cru sorties d'une casse quelques années auparavant, jusqu'à ce l'institution et le cinéma le consacrent. Il en sera de même pour Ozis. Marier ses œuvres avec les grands maîtres contemporains, voire encore antérieurs, ou avec des sculptures polychromes de la Renaissance comme avec des bois primitifs, c'est anticiper demain et vivre aujourd'hui la puissance de la diversité artistique.
Anne Perré
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