Elodie Wysocki - Struggle for life
3 septembre – 21 octobre 2014
galerie Anne Perré – 9 rue Eugène Dutuit – 76000 Rouen
« Le nom du noème de la photographie sera donc : “Ça-a-été” (…) cela que je vois s’est trouvé là, dans ce lieu qui s’étend entre l’infini et le sujet (operator ou spectator); il a été là, et cependant tout de suite séparé ; il a été absolument, irrécusablement présent, et cependant déjà différé. » Roland Barthes, La chambre claire, 1980.
Qu’il s’agisse de portraits d’inconnus depuis longtemps disparus, transformés en échos fantomatiques et lumineux à coup d’aiguilles sur papier fin ou de créatures étranges et pourtant familières, la rencontre à laquelle ces œuvres nous invitent est à la fois historique, fantastique et sensible. Les théories de l’évolution auxquelles les Darwinettes font référence émergent à peu près à l’époque où la toute jeune technique de la photographie vient répondre aux problématiques des sciences : il faut mesurer, documenter, archiver, enregistrer la vérité. S’appuyer sur le tangible. Remplacer un acte de foi (religieux) par un autre (scientifique), défier la mort. Pour autant, il serait réducteur de se contenter de ces bases pour appréhender les travaux à la fois tendres et percutants d’Elodie Wysocki. Il y a, en effet, dans sa démarche une part d’émerveillement : découvrir, dans des archives municipales, des portraits photo de la meilleure ménagère du village, pris, chaque année, par le même photographe, maire dudit village. Observer les visages. Imaginer les histoires. Se confronter à l’autre. Tenter de percer (littéralement) un secret, offrir un nouvel éclairage. Quitter l’émerveillement pour entrer dans la production, le partage. Ainsi, dans la série Le panier de la ménagère, l’opération est-elle une sorte de glissement d’un sens singulier, quasi inaccessible (qu’il s’agisse de la pensée du sujet photographié ou de la fierté du maire, photographe, chef d’orchestre du concours des ménagères) à un sens autre qu’il faudrait relier au punctum barthésien : là où ces images nous touchent.
Les Darwinettes semblent appartenir à un autre monde. Leur aspect est à la fois reconnaissable : une forme humaine et désarçonnante : pilosité extrême, aucun organe, orifice, signe distinctif visible. Cependant, le travail et la vie même, plus encore que la théorie, lient ces œuvres – parce qu’il est question de temps et de finalité : le fugace cliché qui saisit l’instant au moment où il meurt, la chaîne fantasmée d’une évolution qui transmettrait de gène en gène un patrimoine plus fort que la mort elle-même… la patience d’un geste méticuleux, la naissance d’une forme, le parcours d’une aiguille.
L’œuvre d’Elodie Wysocki serait ainsi à considérer comme une conversation, un univers rempli de questions, de constats, de ressentis auxquels le public viendrait se confronter avec poésie.
Clare Mary Puyfoulhoux
dossier de presse
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