Je ne suis pas un street artist car je ne crée pas sur les murs, les trains ou les trottoirs. Je suis pourtant bien un artiste urbain car j'exprime la ville, mais une ville écroulée sur elle-même. Une ville tuée par ses peurs, minée par ses angoisses et par ses fuites dans l'espoir d'un demain meilleur. Une ville égarée dans la superficialité de ses néons, de ses vitrines et de ses jeux, colorée de ses illusions. Chacune de mes œuvres met en avant cet écroulement prévisible de notre société au travers d'une ville témoin : Tricky Town. Ses quartiers sont symbolisés par des briquettes de bois, trempées dans des peintures éclatantes qui dégoulinent et se mélangent. Elles sont en équilibre instable, tenues seulement par la peinture, et affublées d'un visuel évocateur : l'araignée, le scorpion, le serpent, le rat, la vanité (déguisée en père Noël !) ou la corde du pendu. Des briquettes manuscrites jouxtent ces symboles évidents : "demain", "violences", "coronatruc" ou "sanicrisis". Malgré le sens qu'elles véhiculent, elles affichent leur penchant lumineux, suintant l'acrylique flamboyant. L'ensemble résume l'ambiance paradoxale dans laquelle évolue la ville. Un ange fait figure d'espoir, il est le pendant de "demain", la preuve d'une croyance en un avenir qu'aucun présent n'essaie de mettre en place. Mais Tricky Town est aussi la métaphore de nous-mêmes, de notre intérieur tumultueux, de notre moi fragilisé, de sa construction aléatoire et bancale, de notre mental rusé qui nous ment pour justifier chacune de nos actions. Nous nous effondrons dans la quête du plaisir qui s'accompagne toujours de la peur de le perdre. Nous sommes des collapsologues à notre insu tant nous étudions avec méthode toutes les solutions possibles pour tendre vers l'effondrement. Tricky Town, the collapsed city est la re-création, en volume, de notre quotidien interne et externe. 

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